Nouvelle solution au « problème de l'immigration clandestine », ou comment « caser » ceux qu'on ne peut empêcher de venir, qu'on ne peut ou sait où renvoyer et qu'on ne veut pas voir : l'Union européenne financerait jusqu'à 250 millions d'euros un programme de construction en Grèce de camps de détention pour clandestins d'une capacité totale de 30 000 personnes en 2014 !
Longtemps pays d'émigration, la Grèce est devenue subitement pays d'immigration depuis 20 ans. En 1991, on y dénombrait 197 000 étrangers, en 2001, officiellement 800 000, soit plus d'un million en comptant les clandestins, aujourd'hui, 10 ans plus tard, le nombre des clandestins à lui seul atteindrait un million (pour 11 millions d'habitants). Les premiers arrivants venaient à 80% d'Europe orientale et de l'ex-URSS. Leur intégration fut difficile, mais les lois de 1998 et 2001 leur ont permis d'accéder à la légalité et, depuis 2009, les enfants d'immigrés nés en Grèce ou y ayant été scolarisés pendant 6 ans peuvent obtenir la nationalité grecque. Une large part de ces immigrés de la première vague sont aujourd'hui installés et forment désormais une composante affirmée de la population. D'autres sont repartis depuis que la récession a mis fin à leurs espoirs d'emploi régulier.
Depuis les années 2000, la situation a radicalement changé, les nouveaux venus affluent du Maghreb, d'Afrique noire, d'Afghanistan, du Pakistan avec pour intention première de transiter par la Grèce pour rejoindre l'Europe occidentale. L'Italie et l'Espagne contrôlant sévèrement leurs eaux territoriales, les candidats à l'immigration ont cherché d'autres voies, et plus de 80% des clandestins qui veulent rejoindre l'UE aujourd'hui entrent par la Grèce.
Voies maritimes : une traversée houleuse de la Méditerranée jusqu'aux côtes du Péloponnèse ou un passage facile de la côte turque vers les très nombreuses îles proches. Mais les contrôles maritimes se resserrent, aussi la voie terrestre l'emporte-t-elle à présent : il suffit de rejoindre Istanbul en charter, d'atteindre la frontière grecque et de tenter le passage du dangereux fleuve Evros (une centaine de noyés par an), ou des 12 kilomètres de frontière terrestre. Entre 2009 et 2010, le nombre total de passages entre Grèce et Turquie a explosé de 45%, selon le rapport de Frontex, l’Agence européenne aux frontières. En 2011, quelques 55 000 arrestations de migrants ont été enregistrées dans la zone de l'Evros, en forte augmentation par rapport à 2010 ; selon les autorités, plus de 300 personnes réussiraient à passer chaque jour. En mai 2011, Frontex a donc envoyé 175 policiers pour organiser et renforcer la surveillance, la Grèce a mis en chantier un mur de 12,5 kilomètres de barbelés et de caméras thermiques le long de la frontière terrestre. Mais rien n'y fait, l'attrait de l'Europe persiste... un nouvel itinéraire contourne le mur en passant par la frontière bulgaro-grecque voisine !
La Grèce se trouve ainsi dans une situation insoluble, critiquée à la fois pour son incapacité à fermer sa frontière ou à empêcher les clandestins de s'embarquer pour l'Italie, pour son refus du droit d'asile (98% des demandes rejetées) et pour le mauvais accueil que les habitants et les autorités réservent aux clandestins. De plus, depuis 2007, elle est responsable des ceux qui sont entrés chez elle et que tout pays européen peut lui renvoyer automatiquement ! Le pays entier se transforme donc en une sorte d'immense zone-tampon, zone de rétention pour des sans-papiers que la Turquie ne veut pas récupérer, que l'UE refuse et que la Grèce n'a pas ni l'envie ni les moyens d'entretenir.
Que
peut faire ce sans-papier ? S'il est pris par la police, il se retrouve
dans l'un des 14 centres de regroupement existants, dans des conditions
de surpopulation et de manque d'hygiène insupportables largement
critiquées par tous les observateurs. Le plus souvent, il obtient un
permis provisoire avec ordre de quitter le territoire d'ici un mois.
Comment ? Rallier l'un des deux ports menant en Italie et chercher un
passage pendant des semaines en vivant de chapardage ? S'il renonce à ce
passage extrêmement difficile, il peut chercher un emploi... Rare, dans
des conditions proches de l'esclavage et quasiment sans espoir de
régularisation. Alors, il lui reste à mendier, à voler, tout en vivant
dans la peur continuelle de la police et des agressions des groupes
néo-nazis de Chryssi Avghi...
Pourquoi accueillir la « misère du monde » quand on est soi-même dans la misère, quand même les « nationaux » ont recours aux soupes populaires et à Médecins du Monde ? La crise fait monter la xénophobie, l'opinion est divisée entre l'aide aux malheureux et le rejet absolu, le gouvernement est pris entre ses électeurs de droite et le respect des volontés européennes.
La Grèce doit répondre aux directives européennes en protégeant les frontières de l'Union, mais elle se retrouve seule pour gérer le problème des migrations. La décision européenne, aménager des centres de « rétention », géants dans d'anciens camps militaires, ou peut-être même sur des plates-formes flottantes, mal supportée bien sûr par les bourgs proches de ces futurs camps, ne résout rien, vise simplement à montrer au public européen que « l'on fait quelque chose », que l'on aide une fois de plus les Grecs, tout en leur « refilant » un problème qu'on ne sait comment traiter. A quand un camp de rétention moderne de 3 000 places dans la Lozère ?
Pourquoi accueillir la « misère du monde » quand on est soi-même dans la misère, quand même les « nationaux » ont recours aux soupes populaires et à Médecins du Monde ? La crise fait monter la xénophobie, l'opinion est divisée entre l'aide aux malheureux et le rejet absolu, le gouvernement est pris entre ses électeurs de droite et le respect des volontés européennes.
La Grèce doit répondre aux directives européennes en protégeant les frontières de l'Union, mais elle se retrouve seule pour gérer le problème des migrations. La décision européenne, aménager des centres de « rétention », géants dans d'anciens camps militaires, ou peut-être même sur des plates-formes flottantes, mal supportée bien sûr par les bourgs proches de ces futurs camps, ne résout rien, vise simplement à montrer au public européen que « l'on fait quelque chose », que l'on aide une fois de plus les Grecs, tout en leur « refilant » un problème qu'on ne sait comment traiter. A quand un camp de rétention moderne de 3 000 places dans la Lozère ?